Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes choses. C’est ainsi qu’à la monarchie absolue ils ont substitué l’omnipotence parlementaire.

La liberté n’y a rien gagné ; on peut même dire qu’en certains points elle y a perdu. Le pouvoir arbitraire de nos anciens rois était adouci par les mœurs et par une douceur paternelle ; avec la Convention on a eu le despotisme de la loi et une centralisation plus dure et plus étroite. Ce n’est pas tout. La liberté a péri par le principe même de la souveraineté populaire. Si la majorité des électeurs, qui n’est qu’une minorité dans la nation, représente le peuple, absolument parlant, si la majorité des députés, qui n’est qu’une poignée d’hommes, a le même privilège, pourquoi donc un individu nommé par l’immense majorité des électeurs ne serait-il pas à lui seul le représentant du peuple tout entier ? Ainsi raisonnèrent les empereurs romains, ainsi raisonna le premier Consul ; sa logique valait mieux que celle de Robespierre. Élu par près de quatre millions de Français, il avait droit de se dire le représentant de la France, à beaucoup plus juste titre que ces conventionnels nommés à Paris, au milieu des émeutes, par quelques centaines de factieux.

Les Américains sont partis d’un principe plus juste, et qui, en certains points, se rapproche de celui de Rousseau. Ils n’admettent pas la délégation, ou, pour l’appeler par son vrai nom, l’abdication de la souveraineté populaire. Ils n’admettent pas qu’un gros de députés puisse disposer à son gré de la vie nationale, et couvrir ses passions, ses haines, ses vengeances du nom sacré du peuple. En Amérique, le Président et le Congrès ne reçoivent que des pouvoirs limités. Le peuple leur délègue certains attributs exécutifs et législatifs, mais ces attributs sont définis. Il y a là un mandat étroit qu’on ne peut étendre sans trahison. La souveraineté reste donc toujours entre les mains de la nation ; président et députés ne sont que