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les malheureux soldats, c’était une misère à mourir de faim : les provisions arrivaient rarement, il fallait vivre de réquisitions. C’était occasionner des vexations sans nombre aux habitants et exciter l’armée au pillage. On s’indignait de toutes parts : Washington plus que personne souffrait de cette situation terrible. Ne pas prendre des vivres que peut-être on ne payerait jamais, c’était condamner l’armée à mourir de faim ; les prendre, c’était ruiner les citoyens. Il n’y avait donc qu’à force de prières que Washington obtenait quelque chose. C’étaient des particuliers, des marchands de Boston qui en souscrivant des sommes considérables sauvaient l’honneur et la liberté du pays.

La guerre se faisait ainsi plus par le concours des particuliers que par celui des États. Les États étaient moins dévoués que les particuliers, et le congrès moins que les États. Dans cette situation, tout le monde attendait une catastrophe ; ce n’est pas seulement la grande âme de Washington qui est ébranlée. Hamilton, Madison[1] s’écrient qu’il n’y a plus d’armée ; elle est poussée à bout, on ne peut plus compter sur elle, il n’y a plus ni ardeur patriotique, ni discipline sous les armes ; les habitants méprisent le congrès, les soldats ne veulent pas l’écouter davantage : Il y a une misère et un désespoir universels. C’est à ce moment qu’arrive l’armée française, le 10 juillet 1780.

La position de Washington était telle que l’arrivée de l’armée française le mettait dans l’embarras de savoir

  1. Madison Papers, I, 43.