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Par amour de la règle, par goût de l’uniformité, Townshend voulut donc imposer l’Amérique et lui enlever ses Chartes coloniales. Ce n’est pas tout, il lui fallait une armée permanente maintenue aux frais de ceux dont elle gênerait la liberté. Vingt régiments ou dix mille hommes, nourris et payés par l’Amérique, devaient lui rappeler sans cesse qu’elle appartenait à l’Angleterre[1].

Enfin, et pour compléter le système, il fallait, tout en diminuant les droits d’importation, rendre plus stricte l’exécution de l’acte de navigation, empêcher des gens téméraires et imprudents d’élever des fabriques au delà des mers. Écraser les colons, c’était, dans le langage du temps, servir l’intérêt public[2]. Le langage n’a pas changé ; l’intérêt public, c’est toujours avec ce manteau qu’on étouffe le droit et la liberté.

Il semble qu’un pareil projet aurait dû attirer l’attention des amis de la Constitution, en Angleterre ; mais on ne voit pas que personne s’en soit inquiété. Le ministère, il faut lui rendre cette justice, agissait en toute sûreté de conscience, avec une foi absolue dans son droit, et sans même soupçonner une résistance possible des colonies. Qu’il y eût quelque rumeur, quelque mécontentement passager, la chose n’avait rien qui pût surprendre ; mais de là à un soulèvement, il y avait un abîme. Personne n’y croyait en Angleterre : on était au lendemain du jour où l’on avait

  1. Bancroft, Amer. Rev., II, 97.
  2. Bancroft, ibid., II, 208.