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Ce qu’on voulait obtenir n’est pas douteux : c’était la toute-puissance du ministère et l’affaiblissement politique des plantations. Ce revenu imposé aux colonies constituerait une liste civile avec laquelle on payerait en Amérique tous les officiers royaux. En d’autres termes, les gouverneurs, les juges, les fonctionnaires publics, jusque-là dépendant des colonies, seraient désormais dans la main du roi, et n’auraient plus rien à attendre que de lui ; révocables, du reste, à son bon plaisir. C’était constituer, en chaque colonie, une garnison civile faite pour maintenir les planteurs dans l’obéissance, et exalter l’autorité de la Grande-Bretagne[1].

Pour en arriver là, il fallait déchirer les Chartes coloniales ; mais cela n’arrêtait pas Townshend. Il voulait leur substituer partout un même gouvernement ; il avait cette passion d’uniformité que Montesquieu a si bien définie une de ces « idées qui saisissent quelquefois les grands esprits, mais qui frappent infailliblement les petits. » Un homme d’État souffre la variété et voit l’unité foncière des choses. Lord Melbourne[2], un des plus sages politiques de l’Angleterre, lorsqu’il trouvait une mesure trop difficile, demandait, comme solution, si on ne pourrait pas laisser la chose aller toute seule ; maxime d’un paresseux, plus profonde et plus utile que l’agitation stérile de ces gens qui trouvent toujours qu’il y a quelque chose à faire, et qui ne font que gâter ce qu’ils touchent.

  1. Bancroft, Amer. Rev., p. 93.
  2. Discours de lord Derby sur l’Adresse 1863 (février).