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Pour justifier son opinion et la conduite de la Chambre, Otis publia un pamphlet dont nous parlerons à la prochaine leçon, car ce fut le texte où puisèrent tous les défenseurs de la révolution.

L’exemple d’Otis n’est point rare dans l’histoire. Il se trouve toujours un moment où un homme (qui n’est pas toujours un grand homme) devient l’organe et la voix de la nation. C’est un des plus curieux spectacles que présente l’humanité, une des plus grandes leçons pour les cœurs faibles et qui se laissent abattre par le succès de l’injustice.

Un gouvernement est tout-puissant. Soutenu par l’armée, par une seconde armée de fonctionnaires, par le découragement ou l’indifférence de la foule, il semble qu’il peut tout faire et que le peuple soit résigné à tout souffrir ; cent fois ce gouvernement a essayé sa force, cent fois il a réussi ; mais peu à peu la coupe s’emplit, le mécontentement monte ; le peuple cherche ce qu’il veut, et ne le trouve pas. Tout à coup un homme se lève et prononce quelques mots, auxquels le premier peut-être il n’attache point une grande importance. Le cri est trouvé ; c’est le son de la trompette qui réveille les âmes endormies ; le peuple se reconnaît et reprend possession de lui-même ; alors éclate ce que Napoléon nommait si bien l’impuissance de la force, alors paraît la toute-puissance de l’idée. C’est à qui servira sous ce nouvel étendard ; les ambitieux se jettent du côté où souffle la fortune ; en se précipitant ils emportent la balance ; la victoire est certaine ; l’histoire l’enregistre ; mais souvent l’histoire est ingrate comme la fortune, elle ou-