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une question de dignité et de souveraineté. L’assemblée réclama ; Otis dressa un projet de lettre au gouverneur. On le trouvera fort vif ; mais, comme le disait finement Burke : « En d’autres pays plus simples ou moins vifs, le peuple ne juge des mauvais principes d’un gouvernement que par ses souffrances actuelles ; en Amérique, ils préviennent le mal et jugent de la souffrance par la méchanceté du principe. Ils devinent à distance un mauvais gouvernement et sentent l’approche de la tyrannie au premier souffle qui n’est pas pur. »

Voici la lettre d’Otis :

« Nos devoirs envers nous-mêmes et envers nos constituants nous obligent à faire des remontrances à Votre Excellence contre les augmentations de dépenses faites par le gouverneur et le conseil.

« C’est ravir à la Chambre son plus cher privilège, le droit de voter en premier lieu l’impôt.

« En fait, c’est annihiler une branche de la législature. Et quand une fois les représentants du peuple ont abandonné ce privilège, le gouvernement devient promptement arbitraire.

« Il n’y a point de nécessité qui puisse justifier une Chambre de représentants qui abandonnerait un pareil privilège. Qu’importe au peuple d’être sujet de George ou de Louis, du roi de la Grande-Bretagne ou du roi de France, si tous deux sont des rois arbitraires, comme tous deux le seraient si tous deux pouvaient lever des taxes sans le Parlement ? »

Quand on lut ce dernier passage, un des représentants cria : Trahison, trahison ! Mais, après un discours très-animé que prononça Otis, la lettre fut votée à une forte