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qu’en général ils n’aiment pas à se donner la peine d’examiner et d’exécuter de nouveaux projets. Il est bien rare que ce soient la sagesse et la réflexion qui fassent adopter les bonnes mesures : c’est l’occasion qui les impose. »

Franklin ne fut nullement découragé par son mauvais succès : il ne cessa jamais de croire à trois idées qui occupèrent la fin de sa vie : la liberté des Colonies, leur union, leur extension dans l’Ouest. Cette triple idée il la nourrit vingt ans, et si vieux qu’il fût, en 1776, il lui fut donné de voir tout ce qu’il avait prévu.

Ce sont là de ces exemples qui font du bien ; il semble qu’il en soit de la vie d’un homme comme d’une pièce bien faite : on aime à voir, au dénoûment de la tragédie, la vertu récompensée et le vice puni. Cela serait aussi juste dans la vie que sur le théâtre, si le monde, comme le drame, était fait pour nous et si le premier rôle nous y appartenait. Nous ne pouvons pas avoir une si grande ambition, c’est notre devoir de servir la vérité, le succès ne nous appartient pas.

Mais si chacun ne peut se promettre la longue vie et le bonheur de Franklin, chacun peut du moins imiter sa persévérance. Quand nous défendons la vérité, nous ne savons jamais assez combien elle est forte et féconde ; la foi nous manque. Si nous en avions davantage, nous marcherions toujours droit devant nous, semant la vérité, semant la justice, sans regarder en arrière. Il périra plus d’une semence sur les pierres et dans les bas-fonds, les oiseaux du ciel en mangeront une partie ; qu’importe, s’il en lève quelques grains ?

Nos arrière-neveux nous devront cet ombrage.