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commençaient à le coloniser. L’avenir de l’Amérique était à la France et non pas aux Anglais.

C’est ce que sentaient les Américains, c’est ce qu’ils voulaient éviter. Établis entre les Alleghanys et la mer, dans un pays dont la plus grande profondeur n’a pas plus de soixante-dix lieues, ils ne voulaient pas qu’on colonisât derrière eux et sans eux un continent qui pouvait nourrir des millions d’hommes ; ils sentaient qu’un jour ce peuple nouveau les jetterait à la mer.

Et, d’un autre côté, ils n’ignoraient pas que la vallée de l’Ohio, et le pays qui borde les lacs, était un des plus beaux de l’Amérique, par l’extrême richesse et la fertilité du sol, la salubrité de l’air, la douceur du climat, l’abondance de la chasse et de la pêche, la facilité du commerce avec les Indiens, et l’immense avantage des communications par eau, les fleuves et les lacs s’étendant à des centaines de lieues[1].

« Il est indubitable, disait Franklin, qu’en moins d’un siècle peut-être il y aura là un État populeux et puissant ; grand accroissement de pouvoir soit pour l’Angleterre, soit pour la France[2]. »

Franklin proposait donc de passer les Alleghanys et d’établir deux fortes colonies entre l’Ohio et le lac Erié, ce qui était couper en deux la puissance française, et briser ce cercle qui du Canada à la Louisiane enserrait les possessions anglaises. Dans ce projet, il était

  1. À Saint-Louis de Missouri, on se glorifie de commander à 46 000 milles, c’est-à-dire à 15 000 lieues d’eau navigable (Mississipi, Missouri, Ohio, etc.). Trollope, North America, t. II, p. 261.
  2. Franklin, Plan for settling two Western Colonies in North America. 1754. Albany Papers. Works, t. III.