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L’Angleterre n’avait point favorisé l’union des Colonies. Tout au contraire, la devise de ses hommes d’État et de ses économistes était de diviser pour régner. Ce n’était pas assez que la grande étendue des plantations, clair-semées au milieu de cette forêt qu’on appelle l’Amérique du Nord, et qui aujourd’hui même n’est pas à demi défrichée, séparât les Colonies et isolât les comtés ; l’Angleterre considérait chaque établissement comme étranger à ses voisins ; les gouverneurs ne connaissaient que leurs provinces, et il y avait entre les plantations des rivalités qu’on se souciait fort peu d’apaiser.

La Virginie jalousait le Maryland, qui lui faisait concurrence dans la production du tabac ; toutes les Colonies du Sud voyaient d’un œil d’envie l’activité de la Nouvelle-Angleterre. Alors, comme aujourd’hui, on dénonçait l’esprit mercantile et l’audace de ces marchands puritains qui, au mépris des lois de la métropole, poussaient leurs affaires jusqu’à Lisbonne et faisaient une contrebande hardie et profitable avec les Antilles. Alors, comme aujourd’hui, la diversité était dans les intérêts ; mais l’unité avait des racines plus profondes : origine, langue, religion, patriotisme, poussaient à l’unité. C’était le grand courant qui entraînait le pays vers un avenir de gloire et de puissance ; mais au-dessus étaient ces remous superficiels, les seuls que voient les politiques[1]. Ils se trompaient

  1. Pownall, qui n’était pas un homme ordinaire, déclarait, dans son Administration des Colonies (1768, t. I, p. 35, 36, 93), que les Colonies n’avaient pas un seul principe commun d’association. Diversité