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précisément cet intérêt qui commençait à faire sentir sa puissance.

Pour y satisfaire que proposait-il ? C’était de renverser entièrement le système anglais. Ce système commercial, qui était celui de toute l’Europe, donnait tout à la mère patrie. La métropole était un royaume souverain, tout-puissant, ayant en sa dépendance des provinces lointaines qu’on administrait comme une ferme, des colons qu’on gouvernait comme des sujets, et quelquefois comme des vaincus. Pownall proposait de remplacer ce royaume par un empire, par une grande domination maritime qui comprendrait sur le pied d’égalité tous les territoires occupés par des Anglais. L’Angleterre n’aurait plus été la maîtresse de ses colonies ; elle aurait été simplement le centre, le siège politique d’un empire couvrant le monde entier.

Pownall allait plus loin ; il prévoyait un avenir possible qui déplacerait ce centre politique et pourrait le porter en dehors même de l’Angleterre ; mais, disait-il[1], profitons du moment où ce centre est chez nous pour établir un empire accepté de tous, et qui assure à l’Angleterre une prépondérance universelle. Si nous n’avons pas cette sagesse, les colonies, au lieu de devenir une part de notre État, deviendront une faction. Si nous les réunissons par la justice, la douceur, l’intérêt commun, elles sont à nous ; si nous voulons continuer à les rattacher à nous par force, nous les unirons l’une à l’autre, et contre nous, par une communauté d’intérêts poli-

  1. Pownall, The Administration of the Colonies. Lond., 1774, t. I, p. 10 et 46.