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je voudrais lui faire sentir tout le poids de la puissance de ce pays. »

Sous une administration moins prudente que celle de Walpole, ces projets revenaient sur l’eau, quand, en 1754, la question politique prit le dessus. Chasser les Français de la vallée de l’Ohio, les repousser au delà des lacs, et un jour les expulser du Canada, telle était alors la pensée commune des Américains et des Anglais ; et, au premier rang, parmi les Américains, se trouvait un homme qui était alors le plus hardi et le plus décidé des ennemis de la France, comme il le fut plus tard de l’Angleterre ; c’était Benjamin Franklin.

Ce sont nos pères, il faut le dire, qui avaient reconnu et parcouru ce vaste continent de l’Amérique du Nord, dont les colonies anglaises ne faisaient que la moindre part. Maîtres du Canada et des lacs, amis des Indiens, c’est nous qui, par nos missionnaires et nos coureurs de bois, avions découvert le Mississipi, fondé la Louisiane, et établi une communication par l’Ohio et les lacs entre le nord et le midi, communication défendue par des forts et des postes avancés. Nous prenions ainsi à revers les colonies anglaises adossées aux Alleghanys, et qui n’avaient point dépassé la crête de la montagne. Si la France avait soutenu ses colons, si le gouvernement ne les avait pas lâchement abandonnés, c’est à nous, à notre langue, à nos idées qu’appartenait le Nouveau Monde. On demande souvent ce que coûtent les princes voluptueux ; quelquefois même on parle de Louis XV comme d’un homme d’esprit ; la grandeur de la France, la civilisation française, l’avenir sacrifié à une