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« Si, comme on l’a dit aux officiers pour exciter leur indignation, ils deviennent seuls victimes de la révolution, s’il faut qu’ils passent dans la honte, le mépris et la misère les restes d’une vie glorieuse, alors j’aurai connu l’ingratitude, et cette triste expérience empoisonnera le reste de mes jours[1]. »

Cette voix fut écoutée, le Congrès lui donna raison. Le 25 novembre 1783, les Anglais évacuèrent New-York, Washington fut reçu dans la ville comme le père de la patrie.

L’heure était venue de se séparer de ces soldats, qui avaient été les compagnons de sa fortune. Cette séparation se fit avec solennité. Le 4 décembre 1783, les officiers se rassemblèrent à Fraunce-Tavern ; Washington parut au milieu d’eux et se fit apporter un verre de vin.

« Mes amis, dit-il, c’est avec un cœur plein d’amour et de reconnaissance qu’aujourd’hui je prends congé de vous. Puissent les jours qui vont suivre être aussi heureux pour vous que les premiers ont été honorables et glorieux. »

Il but ensuite et ajouta : « Je ne puis aller à chacun de vous lui dire adieu ; mais je serai reconnaissant si chacun de vous veut venir me donner la main. »

Le général Knox s’avança le premier. Washington, à qui l’émotion ne permettait plus de parler, l’embrassa. Les officiers se présentèrent les uns après les autres ; on se serra la main sans dire un mot ; les larmes étaient dans tous les yeux.

  1. Ramsay, Vie de Washington, p. 238.