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qu’on a répandu en secret. Cette proclamation avait pour but d’enflammer les passions plutôt que de recommander une délibération calme, où la voix de la raison serait seule écoutée. L’auteur de cette adresse a du mérite comme écrivain ; je voudrais pouvoir lui donner celui d’avoir de bonnes intentions. Nous voyons les mêmes objets avec des yeux différents, et nous marchons au même but par des moyens différents ; il est assez dépourvu de charité pour désigner comme suspect celui qui recommanderait la modération et la patience, ou, pour parler plus clairement, celui qui ne serait pas de son avis. Disons donc qu’il avait un tout autre plan, un plan où la sincérité, l’amour de la justice et de la patrie n’ont aucune part. Il a eu raison de couvrir les plus noirs projets sous le voile de la défiance et des soupçons les plus atroces. M’arrêterai-je à prouver que cet écrit artificieux est rédigé dans les vues les plus insidieuses ? qu’il se propose de frapper les esprits de l’idée que le gouvernement est injuste par système, et de vous porter, par le souvenir de vos maux, à des mesures qui ne permettent plus à la raison et au sang-froid de se faire entendre ? Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’écrit et de voir la manière de procéder qu’il vous a proposée.

« Voilà, Messieurs, ce que j’ai dû d’abord vous faire observer pour vous mettre en état de juger les principes d’après lesquels j’ai cru devoir m’opposer au mode irrégulier de votre convocation pour mardi dernier. Mon opposition n’a pas eu d’autre cause ; et surtout j’ai été loin de manquer de zèle pour vous procurer les moyens de faire connaître vos plaintes à l’autorité ; mais ces moyens doivent s’accorder avec votre honneur, avec la dignité de l’armée. Si jusqu’à ce jour vous n’avez pas reconnu en moi le véritable ami du soldat, ce n’est plus le moment de vous en convaincre. Le premier, j’ai embrassé la cause de mon pays, je ne vous ai jamais quittés que lorsque mon devoir m’y a forcé. Compagnon et témoin de vos souffrances, j’ai toujours, et des premiers, rendu justice à vos vertus, reconnu vos titres et vos droits à en être récompensés. Mon honneur