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putés qu’on avait envoyés à Philadelphie. Mais la lettre allait plus loin ; elle engageait l’armée à ne pas se dissoudre avant d’avoir obtenu justice ; elle était à la fois sévère et menaçante[1].

« aux officiers de l’armée.
« Messieurs,

« Un de vos compagnons d’armes qui vous est fortement attaché par les liens d’un intérêt commun et par ceux de l’amitié, qui a partagé toutes vos souffrances, et qui n’est pas plus que vous rassuré sur le sort qui l’attend, vous soumet ces réflexions ; l’âge, le rang autorisent à donner des conseils ; mais si je ne puis m’étayer de ces deux titres, j’ai pour moi la franchise et l’expérience, et vous n’en rejetterez pas le langage. Comme vous, j’ai chéri la vie privée ; comme vous, je l’ai quittée à regret, mais bien déterminé à ne poser les armes que quand les ennemis de mon pays, ces vils stipendiaires de la tyrannie, auraient renoncé à leur infâme projet et reconnu que l’Amérique est aussi terrible quand elle est armée qu’elle s’est montrée humble dans ses réclamations. Vos dangers ont été les miens, j’ai supporté tous les maux de la pauvreté ; j’ai vu l’insolence du riche sans murmurer ; mais aveugle dans mes vœux, confiant dans mon espoir, trop longtemps je me suis reposé sur la justice de mon pays ; j’ai cru qu’aux premiers mots de paix et de bonheur le gouvernement sortirait de son insouciance pour n’écouter que la justice. Que dis-je justice ! c’est reconnaissance. Et n’en doit-il pas à ceux qui l’ont conduit, soutenu dans ce terrible passage de la servitude à l’indépendance ? La confiance a ses limites : quand on les dépasse, elle devient lâcheté. Voilà, mes amis, où vous en êtes réduits ; encore un pas, vous êtes perdus. Si vous supportez plus

  1. Cette lettre était de John Armstrong, aide de camp du général Gates.