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propre anglais, n’était après tout qu’une de ces fortunes de guerre qui ne tranchent pas la question[1]. De notre côté, au mois de février, le duc de Crillon avait pris Minorque, et chassé les Anglais du meilleur port de la Méditerranée.

Enfin, le 22 avril, John Adams avait été reconnu comme ministre plénipotentiaire par les Pays-Bas. On allait donc avoir devant soi un nouvel ennemi qui n’était pas à dédaigner.

C’est ce que comprit le successeur du marquis de Rockingham, lord Shelburne. Lui aussi avait été opposé à l’indépendance américaine ; il avait déclaré autrefois en beau langage que le jour où l’indépendance des colonies serait reconnue, le soleil de l’Angleterre s’éclipserait à l’horizon ; mais, en prenant le ministère, il déclara qu’il s’était réveillé du rêve de la domination britannique ; et que, si son opinion n’était pas changée, il voulait cependant préparer un tel crépuscule que le soleil de l’Angleterre pût se lever de nouveau[2].

Aussi, dès son entrée au ministère, envoya-t-il à Paris M. Oswald et M. Fitzherbert, connu plus tard sous le nom de lord Sainte-Hélène. C’est à Franklin qu’on s’adressa pour traiter ; le docteur s’adjoignit M. Jay,

  1. Bah ! disait Franklin en apprenant la nouvelle, rappelez-vous ce que disait le bacha turc qui fut pris à Lépante par les Vénitiens : « Les vaisseaux sont comme la barbe de mon maître ; vous pouvez la lui couper, elle repousse ; mais mon maître vous a pris la Morée ; c’est un membre qu’il vous a coupé, un membre ne repousse jamais. » Et, ajoutait Franklin, bien capable d’avoir inventé l’histoire, le bacha disait vrai. (Lord Mahon, VII, 188.)
  2. Lord Mahon, VII, 212.