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« Nous avions droit de taxer l’Amérique, dit le noble lord, et parce que nous avions ce droit, il fallait l’exercer… Pauvres gens infatués d’eux-mêmes ! pauvre pays ruiné ! Ne savez-vous pas que le droit ne signifie rien sans la puissance qui l’applique. Un droit qui ne peut s’exercer, qu’est-ce autre chose qu’un mot vide de sens ? — Bon, dit un sot, fier de sa prérogative sur les bêtes des champs, il y a une laine excellente sur le dos de ce loup ; il faut donc le tondre. — Quoi ! tondre un loup ! — Oui. — Mais s’y prêtera-t-il ? avez-vous réfléchi à la peine ? comment prendrez-vous cette laine ? — Non, je n’ai réfléchi à rien, je ne connais et ne veux connaître que mon droit ; un loup est un animal qui porte de la laine ; tous les animaux à laine doivent être tondus ; je tondrai ce loup[1]. »

Que de beaux parleurs dans nos assemblées qui tondent, ou plutôt qui veulent tondre le loup !

L’adresse au roi fut votée par 218 voix, l’amendement n’en réunit que 129, et cependant on sentait que tout était fini.

L’opinion grandissait au dehors ; la question fut reprise le 12 décembre, le 4 janvier 1782, et enfin le 22 février. Cette fois, c’était le général Conway, un vieil ami de l’Amérique, qui proposait une adresse à Sa Majesté afin que la guerre sur le continent de l’Amérique du Nord ne fût pas plus longtemps continuée pour poursuivre la fin impossible de réduire à l’obéissance les habitants de ce pays[2]. Barré revint aussi à la charge, et ne craignit pas d’appeler lord North le fléau de son pays.

  1. Lord Mahon, VII, 132.
  2. Lord Mahon, VII, 141.