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la gloire, à la vraie dignité : c’est la justice. » L’heure était venue pour l’Angleterre ; il lui fallait s’humilier sous la dure étreinte du malheur.

C’est ce que sentit lord North. Quand il apprit la reddition de York-Town, nous dit un contemporain, lord Germaine, secrétaire d’État, il reçut cette nouvelle comme s’il avait reçu un boulet de canon en pleine poitrine. Il ouvrit les bras, poussa un cri : « Mon Dieu, tout est perdu ! » et, se promenant à grands pas dans sa chambre, il répéta plusieurs fois ces mots dans une agitation et une souffrance incroyables.

Le roi reçut la nouvelle avec plus de courage, et répondit à lord Germaine en protestant de sa résolution d’aller jusqu’au bout. Seulement (et ceci est remarquable) lord Germaine s’aperçut qu’oubliant son exactitude germanique, le roi n’avait mis sur la dépêche ni l’heure ni la minute de la réception, preuve certaine qu’il était agité.

À Paris, la nouvelle arriva le 26 novembre 1781. Franklin écrivit à John Adams en Hollande : « Je vous félicite de ces glorieuses nouvelles. L’Hercule enfant dans son berceau a écrasé le second serpent. » Le premier était le général Burgoyne. La comparaison plut assez à Franklin pour que plus tard, sous sa direction, on en fît une médaille : Non sine Dis animosus infans.

Tels sont les souvenirs que nous avons laissés sur cette terre lointaine, souvenirs que le général La Fayette devait perpétuer jusqu’au 20 mai 1834, souvenirs que Tocqueville aimait à réveiller, souvenirs que j’invoque aussi comme notre gloire la plus pure.