Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

départ, la plus parfaite harmonie régna entre nos troupes, les soldats et le peuple américain. Les officiers continentaux prirent aussitôt des cocardes noires et blanches (le noir était la couleur de la cocarde américaine), et on se rappelle encore aux États-Unis que nos soldats, campés près des vergers américains, s’éloignaient sans avoir touché un fruit. Les poules et les cochons se promenaient au milieu des tentes, dit La Fayette[1]. Franklin, dans ses Mémoires, n’est pas moins explicite, et célèbre la délicatesse du soldat français. Les Anglais de Braddock n’avaient pas laissé de pareils souvenirs.

L’arrivée de la flotte commandée par le chevalier de Ternay eut lieu au mois de juillet 1780 ; nous ne pouvions venir plus à propos ; dès le mois de mai, sir Henry Clinton s’était emparé de Charleston. La perte de Charleston était un coup de massue, suivant l’expression de La Fayette[2], le Sud tout entier échappait à la confédération. À la première nouvelle de notre arrivée, Clinton revint à New-York, laissant lord Cornwallis en Caroline. Au moyen de la flotte anglaise il menaça la flotte française qui était à New-Port, en Rhode-Island, et força Rochambeau à rester inactif pour défendre au besoin l’escadre en danger.

L’année se passa ainsi à s’observer, tandis que les Anglais faisaient des progrès dans la Caroline, et que le Congrès, sorti de sa torpeur, décrétait que les troupes enrôlées le seraient non plus pour trois mois, mais pour

  1. Mémoires, t. I, p. 347.
  2. Mémoires, t. I, p. 373.