mais cet esprit était plus ou moins celui de la population tout entière, dès le milieu du dix-huitième siècle. Nous avons sur ce point un témoignage de la plus haute importance, et qui a été souvent cité, celui de Pierre Kalm, voyageur suédois, qui visita l’Amérique en 1748. Voici ce qu’il écrit[1] :
« Les colonies anglaises se sont tellement accrues en richesse et en population, qu’elles rivaliseront bientôt avec l’Angleterre. Aussi, pour maintenir le commerce et le pouvoir de la métropole, leur est-il défendu d’établir des manufactures nouvelles qui pourraient faire concurrence aux Anglais. On ne peut chercher l’or et l’argent qu’à la condition de l’embarquer aussitôt pour l’Angleterre. À l’exception d’un petit nombre de places fixées, les colonies n’ont point la liberté de trafiquer en dehors des possessions britanniques, et on ne permet point aux étrangers le moindre commerce avec les colonies américaines. Il y a une foule de restrictions pareilles.
« Cette oppression a rendu les colons moins tendres pour la métropole. Et cette froideur est augmentée par le grand nombre d’étrangers qui se sont établis en Amérique. Des Hollandais, des Allemands, des Français sont mêlés aux Anglais, et n’ont aucune affection pour la vieille Angleterre.
« En outre il y a toujours des gens mécontents et qui aiment le changement. Ajoutez qu’une liberté excessive et la prospérité nourrissent un esprit indomptable. J’ai entendu non-seulement des Américains de naissance, mais des émigrants anglais, dire publiquement qu’avant trente ou cinquante ans les colonies de l’Amérique du Nord constitueront un État séparé et entièrement indépendant de l’Angleterre.
« Mais comme le pays est sans défense du côté de la mer, et que du côté de la terre on a la présence inquiétante des Français, ces dangereux voisins empêchent que l’attachement
- ↑ Bancroft, Hist. of the U. S., t. III, p. 465.