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hésiter. Je ne connais pas au juste les ressources du royaume, mais je suis sûr qu’elles sont suffisantes pour maintenir nos justes droits. Mylords, tout parti vaut mieux que le désespoir. Faisons au moins un effort, et, s’il nous faut tomber, tombons comme des hommes. »

Le duc de Richmond prit la parole pour dire que personne plus que lui ne désirait l’union des deux pays ; mais que cette union était impraticable ; si l’on ne se hâtait pas d’avoir les Américains pour alliés, ils seraient bientôt les alliés de la France. « Personne, ajouta-t-il, ne respecte plus que moi le grand nom de Chatham, mais ce nom ne peut faire l’impossible ; les choses n’en sont plus au point où le noble lord les a laissées en quittant le pouvoir. Alors nous avions l’Amérique pour nous ; aujourd’hui nous avons l’Amérique contre nous ; alors c’était la Grande-Bretagne et l’Amérique qui tenaient tête à la France et à l’Espagne ; aujourd’hui c’est la France, l’Espagne et l’Amérique qui se réunissent contre la Grande-Bretagne[1]. »

À ces derniers mots, Chatham se leva sous le coup d’une violente émotion ; son œuvre entière était ruinée ; la maison de Bourbon triomphait ; l’Amérique était perdue ; c’était trop d’humiliation pour lui. Il murmura quelques paroles, et tomba foudroyé par une attaque d’apoplexie. La séance fut levée, les pairs entourèrent Chatham, qu’on porta dans une maison voisine. Un mois après, il était mort, sans avoir repris ses facultés. L’Angleterre l’enterrait à Westminster ; elle

  1. Lord Mahon, VI, 241.