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qu’au lieu d’une liberté constitutionnelle, qui fît la part de l’individu non moins que celle du peuple et des assemblées, nous avons voulu une démocratie à l’antique, ou plutôt la réalisation du chimérique Contrat social. Les lettres de Washington à La Fayette sont remplies de craintes patriotiques sur l’avenir de notre pays.

Repoussons donc ces dangereux paradoxes ; servir la liberté et la justice n’a jamais perdu ni les peuples ni les rois. La plus belle page du règne de Louis XVI dans l’histoire sera le secours donné aux Américains.

La Fayette, dont les lettres n’avaient pas peu contribué à décider la France à soutenir les États-Unis, fut le premier à recevoir dans l’armée américaine les nouvelles du traité. Il courut à Washington, l’embrassa en pleurant de joie, et en criant : « Le roi mon maître a reconnu votre indépendance, et s’allie avec vous pour vous aider à l’établir. »

La joie qu’on en éprouva, dit un contemporain[1], défie toute description. Par l’ordre du général en chef, toutes les brigades s’assemblèrent. Les chapelains offrirent des prières publiques pour remercier le Dieu tout-puissant, et prononcèrent des discours. On tira un feu de joie, et à un signal donné, tous les soldats crièrent, et du fond du cœur : Vive le Roi de France !

Depuis trois années on avait tant souffert, du froid, de la faim, de la guerre, qu’il semblait qu’on fût sauvé dès que la France étendait au delà de l’Océan sa main puissante et secourable. Il fallut que le Congrès tem-

  1. Ramsay, Amer. Rev., II, 68.