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« Ces colons, qu’à l’origine nous avons méprisés comme des rebelles, mais que maintenant il nous faut reconnaître comme des ennemis, sont conjurés contre nous ; notre ennemi invétéré les fournit de provisions et d’armes, il consulte leur intérêt, il reçoit leurs ambassadeurs, et nos ministres ne peuvent pas et n’osent pas agir avec dignité, avec énergie.

« Nous connaissons déjà en partie l’état désespéré de nos troupes là-bas. Personne, plus que moi, n’estime et n’honore les armées anglaises ; je connais leur vertu et leur courage ; je sais qu’elles peuvent tout faire, excepté ce qui est impossible, et je sais que la conquête de l’Amérique anglaise est une impossibilité. Vous ne pouvez pas, Mylords, vous ne pouvez pas conquérir l’Amérique.

« Quelle est votre situation là-bas ? Nous ne savons pas tout peut-être, mais nous savons qu’en trois campagnes nous n’avons rien fait, et nous avons beaucoup souffert. Vous pouvez forcer vos dépenses, redoubler vos sacrifices, accumuler tous les secours, étendre votre trafic jusqu’aux boucheries de tous les despotes allemands, tous vos efforts seront vains et impuissants ; et doublement impuissants, par cela même que vous vous appuyez sur des secours mercenaires, des secours qui excitent un incurable ressentiment dans le cœur de vos adversaires, de ces hommes que vous livrez aux fils mercenaires de la rapine et du brigandage, de ces hommes que vous dévouez, eux et leurs biens, à la cruauté vénale de quelques pillards soudoyés. Si j’étais un Américain, comme je suis un Anglais, tant qu’un soldat étranger resterait dans ma patrie, jamais je ne déposerais les armes, jamais, jamais, jamais[1]. »

À ce cri du patriotisme indigné, l’Assemblée tressaillit ; mais, après la première émotion, les pairs furent

  1. Lowell’s, Speaker, p. 124.