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« Le général Schuyler est encore plus aimable quand il n’est pas avec sa femme ; en quoi il ressemble à beaucoup de maris européens. »

De toutes les batailles d’Amérique, aucune, peut-être, n’eut plus d’influence que cette affaire de Saratoga, qui se termina par la reddition de 3 500 hommes. Ce fut pour l’Angleterre une leçon de modération ; elle apprit, pour la première fois, que son pouvoir avait des bornes, que la distance, l’éloignement, le courage de ses sujets révoltés pouvaient la forcer de céder.

Pour les colonies, ce fut une leçon de confiance en leur bon droit ; après trois années de misères, le sort tournait, on pouvait espérer l’indépendance et la paix.

Pour l’Europe, c’était aussi un grand avertissement ; l’Angleterre échouait, on pouvait s’allier avec les colonies et humilier une antique rivale. La France n’eut garde de laisser échapper cette occasion.

Ce qui n’est pas moins singulier, c’est que cet événement, si considérable par ses conséquences, fut tout à fait en dehors de l’action de Washington. Ce fut un général obscur dont les soldats emportèrent la victoire, et cette victoire, on s’en servit pour humilier Washington. Gates écrivit au Congrès, et ne prit même pas la peine d’informer le général en chef de ce qu’il avait fait. « Espérons que tout finira bien, écrivait froidement Washington à Patrick Henry[1]. Si notre cause réussit, peu m’importe où et par qui cela arrive. »

Cela est d’une âme héroïque ; mais il est triste de voir

  1. 13 novembre 1777.