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« À présent, comme femme d’un officier général américain, il faut que je vous fasse votre leçon. On vous dira : Ils ont été battus. Vous répondrez : C’est vrai ; mais entre deux armées, égales en nombre, et en plaine, de vieux soldats ont toujours de l’avantage sur des neufs ; d’ailleurs, ils ont eu le plaisir de tuer beaucoup, mais beaucoup plus de monde aux ennemis qu’ils n’en ont perdu.

« Après cela on ajoutera : « C’est fort bon ; mais Philadelphie est prise, la capitale de l’Amérique, le boulevard de la liberté. » Vous repartirez poliment : Vous êtes des imbéciles. Philadelphie est une triste ville, ouverte de tous côtés, dont le port était déjà fermé, que la résidence du Congrès a rendue fameuse, je ne sais pourquoi. » Voilà ce que c’est que cette fameuse ville, laquelle, par parenthèse, nous leur ferons bien rendre tôt ou tard.

« S’ils continuent à vous pousser de questions, vous les enverrez promener en termes que vous dira le vicomte de Noailles, parce que je ne veux pas perdre le temps de vous écrire à vous parler politique[1]. »

Tout en raillant avec la grâce et l’esprit d’un gentilhomme français, La Fayette exprimait la pensée générale des Américains. Ils s’étaient habitués au jeu de la guerre et à ses chances journalières.

En décembre 1776, l’approche des Anglais avait jeté la terreur à Philadelphie ; en septembre 1777 on était familiarisé avec cet événement ; on se disait que les Anglais, obligés de garder New-York et Philadelphie, disséminaient leurs forces en les immobilisant. Autant de gagné pour les Américains.

C’est ainsi que Franklin prit la chose, au moins en public. « Non, non, disait-il, ce n’est pas le général Howe

  1. Mémoires de La Fayette, t. I, p. 104.