Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment agrandi les idées ; il est curieux de voir quels étaient les principes, quelle était la foi politique d’un peuple étranger à la vieille Europe, séparé d’elle par les mers, et qui ne connaissait guère que par ouï-dire nos sociétés où se prolongeait le passé.

Voici un morceau qui vous en donnera quelque idée. C’est une page écrite, vers 1765, par John Adams qui, tout jeune encore, publiait un traité sur le droit canonique et féodal. Adams est un fils de puritain, et il écrit au moment où la querelle commence entre l’Amérique et l’Angleterre. Sa parole a de l’amertume ; elle est dure pour la vieille Église et le vieux monde ; cette dureté même ne fera que mettre plus en relief l’esprit démocratique d’un des principaux et des plus sages acteurs de la révolution :

« Ce qui a colonisé l’Amérique, c’est la grande lutte du peuple contre la conjuration de la tyrannie temporelle et spirituelle. Ce n’est pas la religion seule, comme on le suppose communément, c’est l’amour de la liberté universelle, c’est la haine, la crainte et l’horreur de cette conjuration, qui a décidé, conduit et accompli la colonisation de l’Amérique.

« Nos pères ont vu clairement que de toutes les erreurs et les folies qui ont passé par l’esprit de l’homme, il n’y en a jamais eu de plus extravagante que ces notions de caractère indélébile, de succession non interrompue qui nous sont venues du droit canonique. Ce sont ces idées fantastiques qui ont entouré le prêtre d’une auréole de mystère, de sainteté, de respect, et lui ont donné une supériorité qui n’appartient à aucun mortel, et qui, par la constitution même de la nature humaine, sera toujours dangereuse pour la société. C’est pourquoi nos pères ont démoli toute la hiérarchie de l’épiscopat (ils se sont moqués, comme doit faire tout homme raisonnable