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en même temps commença pour La Fayette une gloire qui, quinze ans plus tard, en faisait l’homme le plus considéré de France, au début de la Révolution.

Cette gloire, on la lui fit payer cher. Si l’on en croit plus d’un historien, La Fayette n’a été qu’un médiocre général, un orateur ordinaire, un politique à idées fausses, qui a toujours eu la marotte d’habiller la France à l’américaine, sans voir la différence des deux pays. Napoléon à Sainte-Hélène, dans un livre où il a exhalé toutes ses rancunes, les léguant à la postérité, qui ne peut les accepter que sous bénéfice d’inventaire, a dit : « La Fayette était un homme sans talent, dans la vie civile comme dans la vie militaire ; son esprit était étroit, son caractère plein de dissimulation, et égaré par de vagues idées de liberté, qui chez lui étaient mal définies et mal digérées. »

Passe pour le jugement militaire. La Fayette, à vrai dire, n’a jamais été mis à une grande épreuve et n’a pu montrer que son courage personnel ; mais, en fait de liberté, il est permis de croire qu’il s’y entendait un peu mieux que Napoléon. S’il n’avait pas le génie du conquérant, il avait l’amour de la liberté, et l’amour, dit-on, donne de l’esprit même aux sots. Il s’en fallait de beaucoup que La Fayette fût un sot ; c’était au contraire un homme d’un esprit très-fin et très-droit ; il parlait à merveille, et, n’en déplaise à Napoléon, ne mentait jamais. C’était le plus sincère des hommes et le plus fidèle des amis. Il avait au plus haut degré ce qui manque à la plupart des Français, une foi politique, un grand et noble caractère. « Qu’avez-vous fait sous