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En présentant à M. Deane ma figure, à peine âgée de dix-neuf ans, je parlai plus de mon zéle que de mon expérience, mais je lui fis valoir le petit éclat de mon départ, et il signa l’arrangement[1].

Ce n’était pas chose aisée pour M. de La Fayette que de partir, même sur un vaisseau équipé à ses frais ; les lettres de sa famille étaient terribles, et une lettre de cachet péremptoire l’envoyait à Marseille et en Sicile ; sa jeune femme était grosse, ses amis effrayés. La Fayette brava tout, partit pour Bordeaux, et déguisé en courrier, gagna le Passage, où l’attendait son vaisseau ; de là il écrivit à M. de Maurepas, qui ne lui répondait pas, que son silence était un ordre tacite, et partit après cette plaisanterie.

Après une traversée difficile, il débarqua à Charleston, en Caroline, fit trois cents lieues à cheval pour gagner Philadelphie, et en arrivant y trouva une déception. Un grand nombre d’étrangers, français, allemands, polonais, étaient venus demander du service ; mais tous étrangers à la langue anglaise, et peu habitués à cette guerre de paysans[2]. On avait été bientôt fatigué de leurs prétentions et de leur incapacité.

La Fayette fut reçu par Lowell, le président du comité

  1. Mémoires de La Fayette, I, p. 9.
  2. Un de ceux qui rendirent le plus de service, en établissant la discipline, le baron de Steuben, vétéran de l’école de Frédéric II, est resté célèbre par ses fureurs. Quand il avait épuisé tous ses jurons allemands et français contre ses recrues, il appelait son aide de camp, Walker, le seul, avec Hamilton, qui parlât français dans l’armée : « Venez, Walker, mon ami, sacre de gaucheries de ces badauds, je n’en puis plus ; je ne peux plus jurer. »