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dont on traitait la duchesse à la cour, était dans l’opposition[1]. Il venait de recevoir la Déclaration d’indépendance, et pendant tout le dîner on parla de ce grand événement. Le jeune La Fayette s’enflamma, et conçut aussitôt le projet de partir pour l’Amérique avec deux de ses jeunes amis, le comte de Ségur et le vicomte de Noailles, qu’il devait retrouver à la Constituante. Il avait, disait-il, l’ambition de la liberté.

« Jamais si belle cause n’avait attiré l’attention des hommes ; c’était le dernier combat de la liberté, et sa défaite ne lui laissait ni asile, ni espérance. Oppresseurs et opprimés, tous allaient recevoir une leçon ; ce grand ouvrage devait s’élever, ou les droits de l’humanité se perdaient sous ses ruines. En même temps les destins de la France et ceux de sa rivale allaient se décider ; l’Angleterre se voyait enlever, avec les nouveaux États, un grand commerce tout à son avantage, un quart de ses sujets augmentant sans cesse par une rapide multiplication, et l’émigration de toutes les parties de l’Europe ; enfin, plus que la moitié et la plus belle portion du territoire britannique. Mais se réunissait-elle à ses treize colonies, c’en était fait de nos Antilles et de nos possessions d’Afrique et d’Asie, de notre commerce maritime, et par conséquent de notre marine, enfin de notre existence politique.

« À la première connaissance de cette querelle, mon cœur fut enrôlé, et je ne songeai qu’à joindre mes drapeaux. De ma famille je n’attendais que des obstacles ; je comptai donc sur moi, et osai prendre pour devise à mes armes ces mots : Cur non ? afin qu’ils me servissent quelquefois d’encouragement et de réponse. Silas Deane était à Paris, mais on craignait de le voir, et sa voix était couverte par les cris de lord Stormont…

  1. Lord Mahon, VI, 160.