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tous les applaudissements et tous les vœux. Ceux qui vivent sous un pouvoir arbitraire n’en aiment pas moins la liberté, et font des vœux pour elle. Ils désespèrent de la conquérir en Europe ; ils lisent avec enthousiasme les constitutions de nos colonies devenues libres. Il y a tant de gens qui parlent de se rendre en Amérique avec leur famille et leur fortune aussitôt que la paix sera faite et notre indépendance établie, qu’on croit généralement que l’émigration européenne nous apportera un prodigieux accroissement de force, de richesse et d’industrie. On croit aussi que, pour diminuer ou prévenir cette émigration, les tyrannies d’Europe devront se détendre, et accorder à leurs peuples plus de liberté. C’est ici un commun dicton que notre cause est la cause du genre humain, et que nous combattons pour la liberté de l’Europe en combattant pour la nôtre. C’est une glorieuse tâche que nous assigne la Providence ; j’espère qu’elle nous a donné une énergie et une vertu suffisantes pour ce grand objet, et qu’elle finira par couronner nos entreprises par le succès[1]. »

Franklin avait raison ; c’était là l’état de l’opinion, mais l’opinion ne se fait pas seule, il faut des gens qui écrivent, parlent, agissent, et cette opinion, personne plus que Franklin n’avait contribué à la faire naître ; ce fut lui qui gagna la France à l’Amérique ; ce n’est pas le moindre service qu’il a rendu à son pays.

Dès son arrivée, il fit un de ces actes décisifs qui enlèvent l’opinion ; lord Stormont avait ce défaut trop commun aux Anglais de prendre un langage menaçant, et de s’imaginer que tout doit plier devant un Anglais ; à Versailles on le supportait avec peine. Franklin lui écrivit pour lui proposer l’échange de matelots pris

  1. Franklin Work, I, 308.