Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Franklin, malgré son grand âge (il avait soixante-dix ans), fut choisi à l’unanimité. Quand on lui annonça sa nomination, il répondit modestement : « Je suis vieux, et ne suis plus bon à rien ; mais, comme disent les marchands de drap quand ils arrivent au bout de la pièce : c’est le dernier morceau, prenez-le au prix que vous voudrez[1]. » On lui adjoignit Silas Deane, qui était en France, et enfin, au refus de Jefferson, Arthur Lee, qui était en Angleterre.

Franklin s’embarqua le 1er novembre, non pas sans crainte d’être pris par les Anglais, qui lui auraient fait un mauvais parti ; mais il débarqua sain et sauf dans la baie de Quiberon, et arriva à Paris avant la fin de l’année.

C’était assurément le meilleur choix qu’on pût faire. Avec son air vénérable, ses cheveux sans poudre, ses vêtements de gros drap, le bonhomme Franklin fut bientôt un personnage populaire ; mais ce bonhomme était en même temps l’ami de tous les philosophes, le commensal de madame Helvétius, le membre de l’Académie des sciences ; il séduisit la cour non moins que la ville ; sa petite retraite de Passy fut un rendez-vous politique ; il donna à l’Amérique une force toute-puissante en France, l’opinion.

Dès le mois de mai 1777, il écrivait à son ami, le docteur Cooper, un des grands patriotes de la révolution :

« Toute l’Europe est de notre côté : nous avons du moins

  1. Lord Mahon, VI, 125.