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était forcé ; il était dans l’air ; on pouvait dire : Je n’en sais rien, mais je l’affirme.

Les Anglais nous avaient chassés du Canada et du continent par la paix de 1763 ; mais Choiseul, signant ce traité, s’était écrié : Nous les tenons ; il avait compris dès le premier jour que les colonies, délivrées de la crainte de la France, seraient trop puissantes pour supporter la tutelle oppressive de l’Angleterre.

Aussi, dès les premières querelles entre les colonies et la métropole, la France eut-elle l’œil ouvert sur ces difficultés. En 1767, le ministre français résidant à Londres avait pour le docteur Franklin, agent des colonies, une telle amitié, il s’inquiétait avec tant de souci des souffrances et des plaintes américaines, que le docteur, qui alors ne voulait pas briser le vase de porcelaine, sachant qu’il était fragile, et une fois brisé irréparable, écrivait à son fils :

« J’imagine que cette nation intrigante aimerait à se mêler de nos affaires et à souffler le feu entre la Grande-Bretagne et ses colonies ; mais j’espère que nous ne lui donnerons pas ce plaisir. »

En 1775, le docteur n’en était plus là ; la nation intrigante était devenue une amie qu’on voulait conquérir. On écrivait à Franklin que l’Europe souhaitait à l’Amérique le plus heureux succès ; mais, disait Franklin, à qui les mots ne suffisaient pas : « Si nous rompons avec l’Angleterre, et si nous nous déclarons indépendants, y aura-t-il une puissance en Europe qui veuille s’allier avec nous, et profiter de notre com-