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Puis s’adressant au bon sens anglais :

« Vous ne pouvez conquérir les Américains, cria-t-il. Vous parlez du nombre de vos troupes, vous dites que vous disperserez leur armée ; il me serait aussi facile de la chasser devant moi avec cette béquille. Vous avez fouillé tous les recoins de l’Allemagne, mais quarante mille paysans allemands ne réduiront jamais un nombre décuple d’hommes libres et d’Anglais ; ils peuvent tout ravager, ils ne peuvent rien conquérir !

« Mais qu’est-ce que vous voulez conquérir ? Est-ce la carte d’Amérique ? Qu’est-ce que peuvent faire vos troupes en dehors de la protection de votre flotte ? En hiver, si on les rassemble, elles meurent de faim ; si on les disperse, elles sont surprises en détail. Je sais ce que valent les espérances et les promesses du printemps ; je connais l’appât que nous jettent les ministres, mais à la fin arrivent l’équinoxe et le désappointement.

« Vous n’avez rien gagné en Amérique que des garnisons. Depuis trois ans vous apprenez aux Américains l’art de la guerre, et ce sont de bons écoliers. Ces forces que vous avez envoyées, c’est trop pour faire la paix, c’est trop peu pour faire la guerre.

« Supposons que vous l’emportiez ? Et après ? Pouvez-vous forcer les Américains à vous respecter ? Leur ferez-vous porter vos couleurs ? N’aurez-vous pas planté dans leur cœur uns haine invincible ? Le sang qu’ils ont reçu dans leurs veines vous dit assez qu’ils ne vous respecteront jamais.

« Si les ministres sont fondés à dire qu’il n’y a aucune espèce de traité entre l’Amérique et la France, il vous reste encore une chance ; le point d’honneur est sauf, hâtez-vous de traiter.

« Acceptez le plan que je vous offre, il peut produire une diversion considérable en Amérique, et nous donner ici l’unanimité ; il laisse un choix à l’Amérique ; ce choix, elle ne l’a pas eu jusqu’à présent. Vous lui avez dit : Posez les