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Mais ce qui valait mieux que de grands mots et de vaines clameurs, c’est que les Américains reprenaient confiance en eux-mêmes ; on savait maintenant qu’on pouvait se battre, même en rase campagne, et résister avec succès. Les engagés reparurent, les vieux soldats se décidèrent à rester sous les drapeaux, et il fut possible de les mieux vêtir et de les mieux nourrir. On était loin cependant d’avoir une véritable armée ; ce n’était pas la fin des épreuves.

Au milieu de toutes ces agitations, un seul homme restait calme : c’était Washington. Au moment du plus grand abandon de la fortune, il avait dit froidement à un de ses principaux officiers, le colonel Reed, qu’il résisterait jusqu’au bout, reculant, s’il le fallait, d’État en État, de position en position, et s’il était forcé partout, maintenant la guerre derrière les Alleghanys[1]. C’est ainsi qu’on fait de grandes choses, et qu’on sauve son pays. Là est la vertu.

Cette leçon, toute remplie d’événements, et qui nous montre quelle était la faiblesse de la confédération, a une portée morale. Depuis quelque temps on nous a fait une théorie commode pour supprimer les grands hommes ; le temps des héros est passé. C’est l’esprit public, c’est l’opinion qui gouverne, un grand homme n’est que l’expression de son siècle et de son pays, une espèce de harpe éolienne, qui résonne au souffle du vent.

J’ai peu de goût pour ce panthéisme historique, je

  1. Lord Mahon, VI, p. 141 ; Ramsay, Vie de Wash., p. 75.