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marché où l’on vend et l’on achète des hommes, il a prostitué son veto en annulant toutes les décisions de nos assemblées qui avaient pour objet de prohiber ou de restreindre cet exécrable commerce. Et pour que cet assemblage d’horreurs soit complet, en ce moment il excite ces populations d’esclaves à se lever en armes au milieu de nous, afin d’acheter la liberté dont il les a privés par le meurtre du peuple auquel il les a imposés, leur vendant au prix de l’assassinat cette liberté dont il les a dépouillés par un crime. »

Beaux sentiments, énergiquement exprimés. Par malheur l’Amérique laissa échapper cette occasion unique d’en finir avec une plaie que les années devaient rendre inguérissable. On a fait disparaître de la déclaration d’indépendance cette revendication des droits de l’humanité, mais la marque reste, comme une tache dans ce beau morceau, tache d’autant plus visible qu’on a pris plus de peine pour l’effacer.

Quant au reste, la rédaction fut adoptée, sauf d’interminables querelles de détail, sort ordinaire des discussions d’assemblée ; je n’en parlerais pas, si elle n’avait donné lieu à Franklin de placer un de ces ingénieux apologues qui plaisaient au Socrate américain.

Assis à côté de Jefferson qui n’était rien moins que patient, et observant son irritation, Franklin lui dit avec cette bonhomie plus apparente que réelle, qui est le cachet du bonhomme Richard :

« Je me suis fait une règle d’éviter autant que possible d’être jamais rédacteur d’un projet quelconque soumis à une assemblée. Voici d’où me vient l’expérience.

« Quand j’étais apprenti imprimeur, un de mes amis