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Après la paix de 1763, quand les difficultés avec l’Amérique commencèrent, le chancelier de l’échiquier, Charles Townshend, à la fin du discours où il proposait de taxer les colonies, s’écria, dans une de ces effusions touchantes où se plaisent les ministres des finances qui mettent le patriotisme dans l’impôt :

« Et maintenant, ces Américains, plantés par nos soins, nourris par notre bonté jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à ce degré de force et d’importance, et protégés par nos armes, ces Américains oseraient-ils refuser d’apporter leur obole pour nous relever du lourd fardeau qui pèse sur nous ? »

Un des plus éloquents défenseurs de l’Amérique, le colonel Barré (un nom français), lui répondit :

« Les colons plantés par vos soins ? Non, c’est votre oppression qui les a plantés en Amérique. Ils ont fui votre tyrannie jusque dans un désert inhospitalier ; ils se sont exposés à toutes les misères humaines, à toutes les cruautés des sauvages, et cependant, animés par le véritable amour de la liberté anglaise, ils ont affronté tous ces maux avec plaisir en les comparant à ceux qu’ils souffraient dans leur patrie, à ceux que leur infligeaient les mains de ces hommes qui auraient dû être leurs amis.

« Les colons nourris par votre bonté ? Ils ont grandi grâce à votre négligence. Aussitôt que vous en avez pris soin, ce soin s’est borné à leur envoyer, pour les gouverner et pour les piller, des commis de quelques commis des députés de cette Chambre, des gens dont la conduite a plus d’une fois glacé dans leurs veines le sang de ces amis de la liberté, des gens élevés là-bas aux plus hauts sièges de la justice, mais trop heureux d’échapper ici aux tribunaux en partant pour un pays étranger.

« Les colons protégés par vos armes ? Ce sont eux qui ont