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en Amérique. Entre l’ordre et l’exécution il y avait plusieurs mois d’intervalle, et la décision était difficile, car on était mal renseigné.

Ajoutez que le gouvernement se trouvait isolé. Il n’avait pas là toutes les ressources qui, dans un vieux et grand pays, permettent au pouvoir de faire à distance ce qu’il veut, en s’attachant mille bras dont il paye le dévouement. Il n’y avait ni grandes fonctions à distribuer, ni emplois lucratifs, ni honneurs, cette menue monnaie de la vanité. Il n’y avait pas davantage d’armées, de forteresses, de garnisons. On ne pouvait ni acheter les gens, ni les effrayer. Otez la crainte et l’espoir, que reste-t-il à un gouvernement pour durer ? Rien que l’amour du peuple : c’est la justice seule qui peut le donner.

Enfin, et comme dernier trait, il faut dire que les colons n’avaient rien qui pût les attacher particulièrement à la mère patrie. Ils étaient Anglais dans l’âme, si l’on entend par là qu’ils avaient les idées religieuses, politiques, littéraires de l’Angleterre ; mais non si l’on entend par là l’amour d’un gouvernement que leurs ancêtres avaient fui, et qu’ils ne connaissaient que pour en souffrir.

Au moment de la révolution, on en était à la troisième, à la quatrième, quelquefois même à la cinquième génération d’émigrants ; ces hommes, dont les aïeux avaient quitté l’Angleterre, chassés par Charles Ier ou par Jacques II, ne pouvaient être attachés ni à la maison de Hanovre, ni à la métropole. Que trouvaient-ils dans leurs souvenirs ? Des persécutions.