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épuisés et, dit un contemporain, « la langue pendant hors de la bouche comme des chiens après la chasse[1]. » Là ils trouvèrent un détachement anglais envoyé prudemment par Gage, et purent rentrer à Boston, toujours harassés par les Américains. Les Anglais avaient 273 hommes tués, blessés ou prisonniers ; les Américains n’en avaient perdu que 90.

En soi c’était une de ces rencontres insignifiantes qui ne restent pas dans l’histoire, et militairement parlant, la troupe anglaise avait rempli son objet ; mais dans une guerre civile, et dans un pays aussi patriote que l’Amérique, ce fut l’étincelle qui alluma l’incendie.

D’une part ces milices américaines, habituées au maniement des armes, et qui avaient fait la guerre aux Canadiens et aux Indiens, avaient soutenu le feu et forcé les Anglais à se retirer. C’était la première épreuve de leurs forces ; les colons savaient maintenant qu’ils n’avaient pas peur, et ils pouvaient faire la guerre. Ce n’étaient point ces lâches qui ne devaient pas soutenir la vue d’un habit rouge ; ils n’avaient pas dégénéré du sang anglais.

Cette guerre, ils ne se faisaient pas d’illusion, ce n’était pas la guerre à l’européenne ; ils n’avaient ni soldats de profession, ni généraux, ni état-major ; l’obéissance même serait difficile dans ces milices où tout le monde était égal ; mais ce serait une guerre nouvelle, où ils auraient pour eux les distances, les forêts, les rivières. Sans doute on pourrait piller et brûler leurs villes ; mais,

  1. Lord Mahon, VI, 39.