Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la guerre ? On manquait de tout ; et on avait contre soi le peuple le plus formidable du monde, un peuple maître de la mer, riche, armé, puissant. Des mesures extrêmes n’étaient que la folie d’un noble cœur ; l’effet certain serait de livrer l’Amérique en proie à la Grande-Bretagne, et de convertir des prétentions illégitimes en un droit que par malheur l’histoire respecte : le droit de conquête. On se perdait par témérité[1].

Tels étaient les sentiments des hommes modérés, et des gens timides qui forment d’ordinaire la majorité des assemblées, lorsque Patrick Henry prit la parole :

« Il est naturel à tous les hommes, dit-il, de s’abandonner aux illusions de l’espérance. Nous sommes toujours prêts à fermer les yeux pour ne pas voir une vérité désagréable, et à écouter l’espérance, cette sirène qui nous charme jusqu’à ce qu’elle nous change en brutes. Est-ce là un rôle qui convienne à des hommes sages, engagés dans la grande lutte de la liberté. Sommes-nous de ces gens qui ont des yeux pour ne pas voir, et des oreilles pour ne pas entendre ce qui touche à leur salut ici-bas ? Pour ma part, quelle que soit l’angoisse qu’il m’en coûte, je veux connaître toute la vérité, connaître le plus mauvais côté des choses, et m’y préparer.

« Pour guider mes pas je n’ai qu’une lumière, celle de l’expérience. Pour juger l’avenir je ne connais que le passé. À juger par le passé, à voir la conduite du ministère anglais depuis dix ans, je demande ce qui peut justifier les espérances dont ces messieurs s’amusent et amusent la Chambre. Est-ce le sourire perfide avec lequel on a reçu notre pétition ? Ne vous y fiez pas : c’est un piège ; ne vous laissez pas trahir par un baiser.

« Demandez-vous comment cet accueil gracieux de notre

  1. Wirt, Life of Patrick Henry, p. 91.