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jamais varié ; tantôt admirés, tantôt ridicules suivant que le flot de l’opinion s’approchait d’eux ou s’en éloignait.

Mais en défendant la liberté n’y a-t-il que l’âpre volupté du devoir rempli, et du devoir rempli sans espoir ? Non, il y a quelque chose de plus. Il y a le sentiment qu’on sert l’avenir, qu’on enrichit l’humanité. L’avenir nous venge ? Ce serait là peu de chose. Non, l’avenir hérite de nous. Cette richesse que nos contemporains dédaignent, l’avenir s’en empare ; pauvres nous-mêmes, nous lui laissons la fortune de nos idées, la seule qui ne craigne ni les voleurs ni la rouille.

Où sont les habiletés de lord North, les injures et les violences des tories ? le vent de l’oubli les a emportées. Mais l’Angleterre a gardé les paroles de Chatham et de Burke ; elle est imbue de leur esprit ; c’est cet esprit qui gouverne les relations coloniales, c’est lui qui a enseigné aux Anglais que la justice est la vraie politique. Chatham et Burke sont l’âme de cette Constitution qu’ils ont défendue envers et contre tous.

Messieurs, la fortune ne donne pas à tous un si grand rôle ; elle nous condamne souvent à la modestie ; mais tous cependant nous pouvons défendre la vérité, la justice, la liberté ; tous nous pouvons concourir à cette construction immense qui s’élève avec tant de peine ; c’est là notre œuvre ; la gloire est aux architectes, le labeur à l’ouvrier ; mais c’est quelque chose que de pouvoir dire, dans le magnifique langage de Burke, qu’on n’a point passé inutile sur la terre, et que soi aussi on a apporté sa pierre au temple de la Liberté.