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La passion aveuglait l’Angleterre ; elle allait tête baissée à l’abîme, regardant comme un ennemi quiconque essayait de la retenir.

De pareils exemples ne sont pas rares dans l’histoire ; presque toujours c’est la passion qui règne, et qui tient la médiocrité et le nombre à son service. La raison, la justice, la liberté sont injuriées, poursuivies, méconnues. Comment se fait-il qu’il leur reste des amis ? Elle ont contre elles le pouvoir, la fortune, l’opinion, la popularité ; et cependant elles durent, et elles ont toujours des adorateurs.

C’est qu’il y a quelque chose de plus doux que la fortune, de plus puissant que le pouvoir, de plus flatteur que la popularité, c’est la voix de la conscience, c’est l’amour de la justice, c’est l’amour de la liberté.

La justice, la liberté sont des divinités pures, des figures sereines qu’on aime dès qu’on les a vues, et qu’on ne quitte plus. Qui n’aime la liberté que pour en profiter ne l’aime pas, et pliera au premier orage ; qui l’aime pour elle-même ne détachera jamais ni son cœur ni ses yeux de cette céleste beauté.

Ni la pauvreté, ni l’abandon, ni l’oubli, ni la persécution même n’arrachent à l’amour de la science un Galilée ; la justice est-elle moins belle, la liberté est-elle moins séduisante ? Non, c’est l’honneur de tous les grands siècles, qu’il y a toujours eu quelques hommes fidèles à ce culte qui ne périt jamais. Demosthènes, Cicéron, dans l’antiquité ; Chatham, Burke, Washington, Hamilton, La Fayette, tous ces grands hommes n’ont