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raison. « Si les Américains, dit-il, n’ont d’autre prétention que de se taxer eux-mêmes, ils accepteront notre proposition ; s’ils ont d’autres intentions et des intentions criminelles, leur refus mettra au jour leur duplicité. »

Il ajouta, c’était là le secret de sa politique, qu’il ne s’attendait pas à ce que cette proposition fût partout acceptée, mais que c’était un moyen de diviser la rébellion. Qu’une seule province acceptât, cette confédération, qui donnait seule quelque force à l’Amérique, était à l’instant brisée. Cette belle raison fit voter la loi. Les petits esprits ne comprennent que les petits moyens, et leurs basses intrigues les perdent tôt ou tard. La politique de lord North, c’était la ruse qui ne trompe personne ; celle de Chatham, c’était la franchise et la noblesse. L’une était un expédient, l’autre était une solution.

En même temps, pour ramener l’opinion ébranlée, le ministère demanda un pamphlet à Samuel Johnson. C’est une des figures les plus originales du dix-huitième siècle. Misérable dans son enfance, réduit par pauvreté à écrire Rasselas afin d’avoir un peu d’argent pour enterrer sa mère, c’est dans sa vieillesse seulement que Johnson avait trouvé non pas l’aisance, mais un abri. Cet abri, il le partageait avec les pauvres qu’il aimait ; il avait dans sa maison un vrai nid de boiteux, d’aveugles, d’incurables. On le recherchait pour sa conversation et son originalité ; il était tory fanatique, partisan du passé, champion du roi, de l’Église et de l’aristocratie, et de plus éloquent, solennel, paradoxal.