Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes qui haïssent la liberté détestent ceux qui l’aiment ; je ne m’étonne pas que des gens sans vertu détestent ceux qui en ont. Toute votre politique n’a été qu’une suite continuelle de faiblesse et de témérité, de despotisme et de servilité, d’incapacité et de corruption. Je vous reconnais cependant un mérite : c’est une jalouse attention pour votre intérêt personnel. À ce point de vue, qui peut s’étonner de votre résistance à toute mesure qui peut vous faire perdre votre place et vous réduire à l’insignifiance pour laquelle Dieu et la nature vous ont faits[1] ? »

Tout ce qu’obtint l’éloquence de Chatham fut de grossir la minorité en faveur de la conciliation. Il eut 32 voix, le ministre en eut 61.

Toutefois l’opinion s’était émue ; lord North, pour la ramener, proposa des mesures violentes et faites pour terrifier les Américains. On déclarait le Massachusetts en état de révolte, on gênait les pêcheries américaines pour prendre la Nouvelle-Angleterre par la famine, et répondre ainsi aux actes de non-importation par une loi de talion ; on parlait de déchaîner les sauvages en arrière des colonies, et même de susciter une insurrection servile. Au fond, tout cela cachait une certaine peur de la guerre ; lord North, tout en secouant les foudres de la Grande-Bretagne, faisait sonder Franklin par l’amiral lord Howe, qui devait avoir bientôt le suprême commandement en Amérique ; le ministre cherchait des moyens d’accommodement[2]. Il était trop tard. Au fond, lord North n’était ni cruel, ni vindi-

  1. Bancroft, Amer. Rev., IV, 221.
  2. Lord Mahon, VI, 32.