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a de grands principes engagés (et de plus grands peut-être dans la Révolution française, quand on songe à ce qu’on avait devant soi) ; mais en Amérique il n’y a que des principes engagés, les hommes ne les offusquent jamais ; il n’y a point d’ambitions privées qui fomentent la discorde pour s’élever au milieu du trouble, et grandir par le malheur du pays.

En France, au contraire et de bonne heure, les hommes passent avant les principes ; dès la Constituante il y a des partis qui songent moins à la liberté qu’au pouvoir. Qu’est-ce que la Convention ? Quelle différence d’idées justifie la guerre à mort des Girondins et des Jacobins ? Est-ce pour fonder la liberté, ou pour écraser un parti qu’on accumule les confiscations, les proscriptions, les fusillades, l’échafaud ? Qu’est-ce que le 18 fructidor, et les déportations qui le suivent ? Qu’est-ce que tous ces coups d’État dont notre histoire est pleine ? Qu’y a gagné la liberté ? Qu’y a gagné la France ?

Aujourd’hui même le grand obstacle à la liberté, n’est-ce pas que chacun ne la voit que pour soi et pour ses amis ? Ne demande-t-on pas six mois de dictature pour la fonder ; comme si rien pouvait le supporter qu’elle-même ? On la veut blanche, bleue, rouge, parce qu’on est ou rouge, ou blanc, ou bleu. Messieurs, notre drapeau est de trois couleurs, comme pour nous apprendre que ce n’est pas trop de tous les partis pour défendre au dehors l’unité nationale et l’honneur du pays. En est-il autrement à l’intérieur ? Ne sentirons-nous pas qu’il faut en finir avec les vieux partis, les souvenirs odieux, les haines séculaires, et que ce