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« Mais si vous souffrez que vos ministres se jouent follement des droits du genre humain ; si, ni la voix de la justice, ni les préceptes de la loi, ni les principes de la Constitution, ni les conseils de l’humanité ne vous empêchent de verser le sang pour cette cause impie, sachez bien que nous ne nous soumettrons jamais à devenir les coupeurs de bois et les porteurs d’eau[1] d’aucun ministre ni d’aucun peuple au monde.

« Replacez-vous dans la situation où nous étions après la dernière guerre (1763), et l’ancienne harmonie sera rétablie[2]. »

Telles étaient ces adresses, dont Chatham devait faire bientôt un magnifique éloge en plein Parlement[3]. Peut-être aurez-vous quelque peine à vous associer à cette admiration. Ce n’est pas là le ton auquel on nous a habitués : cette discussion calme et ferme, cet appel à la raison et au droit ne ressemblent guère à l’éloquence troublée que nous prenons pour la véritable éloquence. Nul appel aux passions, nulles personnalités, rien de ces invectives qui font souvent tout le talent de l’orateur. Ici, c’est le vir probus dicendi peritus, qui expose en bons termes, sans menaces et sans injure, ce qu’il veut et jusqu’où il ira. Ce ne sont pas des hommes qu’il attaque, ce n’est pas une position qu’il veut emporter, un ministère qu’il veut détruire, ce sont ses droits qu’il réclame, sa liberté qu’il défend.

Là est la profonde différence de la Révolution américaine et de la Révolution française. En toutes deux il y

  1. Expressions bibliques souvent employées par les Anglais pour désigner des gens asservis.
  2. Life of John Jay, I, 474.
  3. Voyez la leçon suivante.