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qu’une telle entreprise n’ajoutera quelque chose à cette dette nationale qui déjà pèse sur vos libertés, et vous inonde de pensionnaires et de fonctionnaires. Il est probable aussi que votre commerce en sera quelque peu diminué.

« Il n’importe, vous serez victorieux. Quelle sera alors votre situation ? Quels avantages, quels lauriers recueillerez-vous d’une telle conquête ? Un ministère ne pourra-t-il pas se servir des mêmes armées pour vous asservir ? — Nous cesserons de payer ces troupes, direz-vous ; mais rappelez-vous que les taxes d’Amérique, les richesses de ce vaste continent, les hommes même, et particulièrement les catholiques du Canada, seront dans la main de vos ennemis. Vous n’espérez pas qu’après avoir fait de nous des esclaves, il se trouvera chez nous beaucoup de gens qui refuseront de contribuer à vous réduire au même état d’abjection.

« Ne traitez pas ceci de chimère. Sachez qu’avant un demi-siècle, les droits de cens réservés à la Couronne sur les innombrables concessions de terre de ce vaste continent verseront à flots la richesse dans le coffre royal. Ajoutez à cela le pouvoir de taxer l’Amérique à discrétion ; la Couronne ne dépendra plus de vous par les subsides, elle possédera plus d’argent qu’il n’en faut pour acheter ce qui reste de liberté dans votre île. En un mot, prenez garde de tomber dans le piège qu’on dresse pour nous.

« Nous croyons que chez le peuple anglais il y a encore beaucoup de justice, beaucoup de vertu, beaucoup d’esprit public. C’est à cette justice que nous en appelons. On vous répète que nous sommes des séditieux, impatients de gouvernement, avides d’indépendance. Ce sont des calomnies. Permettez-nous d’être aussi libres que vous l’êtes, nous regarderons toujours notre union avec vous comme notre plus grande gloire et notre plus grand bonheur ; nous serons toujours prêts à contribuer de toutes nos forces à la prospérité de l’Empire. Vos ennemis seront les nôtres, votre intérêt sera notre intérêt.