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« Pourquoi donc les citoyens d’Amérique seraient-ils moins maîtres de leurs biens que vous ne l’êtes des vôtres ? Pourquoi se mettraient-ils à la disposition de votre Parlement ou de toute autre Assemblée qu’ils n’auront pas élue ? La mer qui nous sépare met-elle une différence dans le droit ? Y a-t-il quelque raison qui prouve qu’un Anglais qui vit à mille lieues du palais de ses rois doit jouir de moins de liberté que celui qui n’en est éloigné que de cent lieues ?

« La raison rejette ces distinctions misérables ; des hommes libres n’en sauraient voir la raison. Et cependant, si chimériques, si injustes que soient ces distinctions, le Parlement affirme qu’il a le droit de nous lier, dans tous les cas, sans exception, avec ou sans notre aveu. Il peut nous prendre nos biens, en user quand et comme il lui plaît ; tout ce que nous possédons, nous le tenons de sa générosité et à titre précaire ; nous ne pouvons le garder qu’aussi longtemps qu’on veut bien le permettre.

« Ces déclarations, nous les regardons comme des hérésies politiques en Angleterre ; elles ne peuvent pas plus nous dépouiller de notre propriété que les interdits du pape ne peuvent arracher aux rois le droit qu’ils tiennent des lois du pays et de la volonté du peuple[1]. »

L’Adresse énumère ensuite les longs griefs de l’Amérique depuis dix ans, et termine par des pages d’une véritable éloquence, éloquence des choses plus que des mots.

« Voici les faits ; considérez maintenant où l’on vous mène.

« Supposez qu’à l’aide de la puissance de la Grande-Bretagne et du concours des catholiques du Canada, le ministère finisse par emporter ce point de l’impôt, qu’il nous réduise à une humiliation, à une servitude complète ; il n’est pas douteux

  1. Life of John Jay. Appendice, I, 466.