Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justice, ou tout au moins de ce qui n’en est que le masque, la légalité, a de bonne heure rangé les légistes de son côté. Ce sont eux qui ont fait ou servi l’unité et l’égalité française. En Angleterre, ils se sont partagés, et par ce partage même ils ont servi les droits du peuple ou, sous un autre nom, la liberté. En Amérique, où le pouvoir de la métropole n’était représenté que par un gouverneur sans finances et sans armée, où l’opinion était la suprême puissance, les légistes ont été les défenseurs de la liberté. C’est ce qui explique un des caractères les plus saillants de la Révolution américaine. La nôtre est une bataille, celle de l’Amérique est un procès. On avance pas à pas ; on discute, on écrit ; c’est moins brillant, mais cela reste. Une victoire n’est que le succès d’un jour. Le pouvoir, vaincu la veille, prend sa revanche le lendemain. Un arrêt, quand l’opinion le sanctionne, devient une loi ; il entre dans les institutions et, mieux encore, dans les mœurs. C’est une de ces conquêtes qui constituent l’empire invisible et tout-puissant de la liberté.

À cette éducation de la vie publique que donnent les Tribunaux et les Chambres, il faut ajouter qu’on lisait beaucoup en Amérique. Il n’y avait point de grandes bibliothèques ; on s’y occupait assez peu de science, et point du tout d’érudition ; avant tout, il fallait défricher le sol et constituer le capital national ; tout portait à l’action. Mais en chaque maison était la Bible, et dans le plus pauvre loghouse on la lisait et on la méditait tous les soirs. À cela joignez l’histoire des martyrs puritains et de leurs longues souffrances, les souvenirs de