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Le Congrès constitué, la question fut de savoir comment on voterait ? Il n’y avait pas de précédents. Représentait-on le peuple américain, représentait-on les colonies ? Patrick Henry soutenait la première opinion. « Toute l’Amérique, disait-il, ne fait plus qu’un corps. Où sont vos frontières coloniales ? Il n’y en a plus. Il n’y a plus de Virginiens, de Pensylvaniens, de New-Yorkais, de Nouveaux-Anglais. Je ne suis plus un Virginien, je suis un Américain[1]. » Cette opinion ne prévalut pas, on n’en était pas encore arrivé-là. Restait toujours la question de savoir comment on voterait. Serait-ce par tête ? Serait-ce par colonie ? Par tête, la décision eût été difficilement juste, car chaque colonie avait envoyé autant de délégués qu’elle avait voulu. Par colonie ? c’était donner à des provinces sans importance autant d’autorité qu’à un grand pays comme la Virginie. Là d’ailleurs, et dès le premier jour, perça la jalousie des États ; les petites colonies ne voulaient pas céder aux grandes. Comme le Congrès était composé de mandataires coloniaux, et n’avait d’autre pouvoir qu’un pouvoir d’opinion, on décida sagement que chaque colonie aurait son vote, et n’en aurait qu’un ; « attendu, dit le journal du Congrès, que le Congrès ne peut pas se procurer les matériaux nécessaires pour établir l’importance de chaque colonie[2] ; » c’était une façon de réserver l’avenir.

La seconde décision fut de siéger portes fermées.

  1. Ticknor Curtis, I, 15.
  2. Suivant Bancroft, Amer. Rev., IV, 121, en 1774, le chiffre des habitants aurait été de 2 600 000, dont 500 000 nègres.