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de toutes les colonies, que peut-on attendre maintenant de sa justice ?

« Quant à la proposition d’une adresse à la Couronne, je vous avoue, Monsieur, que je pense que le mieux aurait été de ne pas s’en occuper. Je n’attends rien de cette mesure, et ma voix ne l’aurait pas sanctionnée, si elle devait retarder l’adoption du système de non-importation ; car je suis convaincu, comme de ma propre existence, qu’il n’y a de salut pour nous que dans la détresse de nos adversaires ; et je pense, ou du moins j’espère qu’il est resté parmi nous assez de vertu publique pour nous refuser tout, à l’exception des choses nécessaires à la vie, afin d’arriver à ce résultat. Nous avons le droit d’agir ainsi ; il n’y a pas de pouvoir au monde qui puisse nous forcer à l’abdiquer, tant que nous n’aurons pas été réduits à l’esclavage le plus abject. L’interdit mis sur nos exportations serait sans doute un moyen plus prompt que l’autre pour atteindre notre but ; mais si nous devons de l’argent à la Grande-Bretagne, l’extrême nécessité seule peut justifier le refus de s’acquitter. Aussi j’ai des doutes sur cette mesure, et je désire d’abord qu’on fasse l’essai de l’autre moyen, qui est légal, et doit faciliter les payements.

« Je ne finirai pas sans exprimer quelque regret de ce que je diffère d’avis avec vous sur une question d’une si grande importance et d’un intérêt si général ; je me défierais de mon propre jugement dans cette circonstance, si tout mon être ne reculait pas devant la pensée de me soumettre à des mesures que je crois subversives de tout ce qui doit être cher et sacré, et si je ne sentais pas en même temps que la voix du genre humain est avec moi. Je dois m’excuser de vous envoyer une ébauche peu lisible des idées que m’a suggérées votre lettre. Mais, en voyant l’étendue de la mienne, comme je suis très-occupé dans ce moment-ci, je ne puis songer à en faire une copie plus nette.

« Je suis, cher Monsieur, votre obéissant serviteur. »