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ges du port de Boston, protestait entre les mains du général Gage contre cette générosité suspecte, et déclarait que les citoyens de Salem « seraient morts à toute notion de justice et à tout sentiment d’humanité, s’ils pouvaient concevoir l’idée de saisir la richesse de leurs voisins et de s’enrichir de leur ruine[1]. »

Devant les menaces du peuple, les conseillers nommés par le gouverneur résignaient leur commission, volontairement ou non. Les jurés, convoqués suivant la nouvelle loi, refusaient de siéger. Là où les juges avaient été nommés par le gouverneur, le peuple s’assemblait et obstruait le passage, refusant au sheriff de laisser les juges s’installer. « Nous ne connaissons de juges, disait-il, que ceux qu’établissent nos anciennes lois et l’ancienne coutume du pays. Nous ne connaissons pas ces intrus, nous ne les laisserons pas entrer ici[2]. » La révolution commençait.

Quand on considère à distance ces grands événements qu’on nomme révolutions, on se demande comment on ne les a pas évités ; il semble que le droit n’est jamais douteux, et qu’avec le moindre bon sens on eût tout concilié. Il y a plus, on trouve à toutes les époques d’honnêtes gens comme Barré, et quelquefois des hommes de génie comme Burke, qui montrent du doigt l’abîme et annoncent l’avenir. Comment ne les a-t-on pas écoutés ?

Il y a là une ignorance et un aveuglement qui nous étonnent.

  1. Pitkin, I, 273.
  2. Id., I, 281.